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Ne mea octe
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Ne mea octe
10 novembre 2008

Episode 5

    Mya regarde la ville s'éveiller dans le froid. L'hiver est là, sa saison préférée. La neige étouffe les sons, effacent les traces, crée une unité. Le monde apparaît tel qu'il est, libéré de ces divisions qu'on a inventées pour se sentir moins con. Le temps semble plus long, comme figé. Le froid rapproche les gens qui s'unissent pour l'oublier.

    Leya vit chez elle depuis deux semaines déjà. La petite a un don c'est sûr. Elle comprend tout, elle apprend vite, sans jamais discuter, sans jamais abdiquer. Pourtant rien ne lui est imposé. Elle est libre de s'en aller, de refuser, et même d'abdiquer.  Elle ne parle jamais, ou presque. Elle sourit, elle grimace, elle acquiesce. Une sagesse que beaucoup n'auront jamais. Du haut de l'immeuble abandonné que Mya a squatté, dans la clarté du matin qui s'éveille, elle contemple cette perfection et ne peut s'empêcher de faire la comparaison avec la fillette qui sommeille.

    Leya se lève, Mya ne l'entend pas. À pas de chat elle va s'asseoir sur la caisse en bois qui leur sert de banc, attrape un bout de pain sec et la casserole d'eau de pluie, qu'elle pose bruyamment. Mya sort de ses rêveries, se retourne brusquement vers l'enfant et sourit. Elle va s'asseoir à ses côtés, reste un moment en silence puis se baisse, ramasse un plan et le déroule sur la table. Elle soupire puis se tourne vers Leya. La fillette ne regarde pas, elle est ailleurs, et c'est bien la première fois. Mya lui demande ce qui ne va pas et ne reçoit en réponse qu'un regard. Un regard inhabituel, jamais Mya n'en a vu de tel. Il n'y a pas de jeu dans ces yeux, ils ne mentent pas et n'ont rien à cacher. Ce regard est vrai. Ce n'est pas un regard d'adulte effrayé de révéler au monde ce qu'il est, agressant pour se dissimuler, fuyant pour se protéger. Ce n'est pas non plus un regard d'enfant naïf attendant ses premières leçons pour rejoindre le comportement des précédents. Il y a quelque chose d'intemporel, de figé. Du courage, de la sincérité.
    Mya se sent soudain désemparée. Elle revoit son parcours, ses choix, ses erreurs. Et pour la première fois depuis des années, elle pleure. Elle pleure parce qu'elle a honte de ce qu'elle est. Elle pleure parce qu'elle a peur qu'en restant dans ce monde Leya tombe dans l'hypocrisie générale. Elle ne veut pas qu'elle suive sa voie. Il faut à tout prix l'en écarter, préserver cette intégrité, cette force surhumaine qu'elle a développée.

    - Je viens de l'autre monde, dit Leya.
    - ... l'autre monde?
    - J'habitais en zone sécurisée avant, mais je me suis enfuie.
    - Mais... pourquoi?
    - Parce que j'espérais trouver ici ce qu'il n'y a pas là-bas... l'honnêteté.

    - Pourquoi est-ce que tu voles, Mya?
    - Je... je sais pas. Je dois être faite pour ça. J'ai toujours voulu aider les gens autour de moi, et voler c'est tout ce que je sais faire. Je vole pour donner, je ne garde presque rien. Je crois qu'en défiant les lois on peut faire le bien. C'est une question de choix. Et toi?
    - J'espère créer le chaos. Je voudrais qu'à force de pillage plus rien ne soit à personne, que plus personne n'ait rien, que tout le monde se retrouve à égalité dans la peur du lendemain. Ce qu'offre Adam est un bon début. Mais il faut voir plus grand, plus marquant. Et j'ai besoin de toi pour ça.

    Mya est scotchée. Les projets de Leya dépasse de loin la portée des siens.
    Une si petite fille, de si grandes idées.

    - Bien sûr, répond-elle dans un sourire perdu.

    Puis elles se penchent toutes deux comme un seul être sur leur prochain objectif, fortes de s'être trouvées, fières de s'être comprises enfin.

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